Après le premier article sur la création d’un thé au sens de l’inspiration et de l’émotion qui entoure sa création, intéressons-nous maintenant à la fabrication d’un thé pour essayer d’en percer quelques mystères.
Poussons les portes de l’usine de THEODOR, le lieu du crime où sont produits les thés, un lieu chargé d’histoire, qui abritait avant l’usine Singer, pour découvrir ce qu’il s’y cache et poursuivons notre interview avec Guillaume Leleu, Tea taster de THEODOR.
Crédit photo : Envouthé
Concrètement, comment créez-vous un thé ?
Je vais briser le mythe (s’il y en avait un ! – rires -). Mais de la même façon que vous préparez une salade de tomates !
#1 – Déterminer quel thé nous souhaitons créer
Il y a tout d’abord la notion de savoir quelle salade de tomates souhaitons-nous… délicieuse ou juste de “dépannage” ? Ensuite, on passe un petit de temps sur la sélection de la variété de tomates que l’on souhaite utiliser, plutôt une tomate sucrée ? Plutôt une tomate généreuse en pulpe ? Plutôt une petite tomate avec un goût plus prononcé ? Ou bien encore une tomate “jaune” d’Italie, aux notes plus épicées… etc, etc…
Ensuite, il y a cette recherche du “Comment” va-t-on mettre en valeur des parfums plus que d’autres, quel poivre allons-nous utiliser, de l’ail, pas d’ail ? Un oignon, peut-être… sel, huile ? D’olive, d’arachide ? Etc, etc…
C’est cette même base, l’envie de “cuisiner”, je me plais à penser qu’un “vrai” bon thé parfumé, est comme une création culinaire, gastronomique…. l’envie d’associer de la nature avec de la nature, sans dénaturer la nature elle-même. Exercice délicat. Mais n’y a t-il pas salade de tomates et salade de tomates ?
Remarque d’Envouthé : on ne pouvait pas ne pas faire un clin d’œil à cette jolie métaphore de la salade tomates sans vous partager la photo de la recette de notre chère Sophie Mülhens qui a réalisé en 2012 une recette originale, sur son blog, nommée Toupet de tomates avec Toupet de légumes, un thé singulier de THEODOR à la fleur de courgette, mélange de légumes, fleur de tomate et piment d’Espelette parfumé aux arômes de fruits rouges.
Parenthèse refermée, continuons le récit de la création d’un thé !
Le Toupet de tomates / Crédit photo : Sophie Mülhens
#2 – Choisir le thé de base pour la composition de notre thé
Alors, je peux passer plusieurs heures, ne serait-ce qu’à sélectionner la base du jardin de thé nature qui sera l’ingrédient principal. Pour un thé comme “Oh là là”, l’idée étant de retrouver une note d’un “grog”, d’un vin chaud, dois-je plutôt sélectionner un Qimen ? Ce thé noir chinois qui révèle naturellement une note plus “Cacao”, ou un thé d’Assam ? Thé qui sera plus terreux, plus corsé, peut-être même en fonction du Jardin choisi, plus épicé. Et la réponse est loin d’être évidente car un choix peut changer en fonction des huiles essentielles et des parfums qui composeront le mélange et que nous utiliserons ensuite.
Crédit photo : Envouthé
#3 – Créer le composé aromatique fondamental pour la création de notre thé
Vient ensuite, un côté plus “alchimiste” où avec l’assistance d’un aromaticien, qui va, lui, parfaitement maîtriser la technicité d’un dosage parfait, différent en fonction de si c’est une huile ou un arôme naturel… il va falloir composer ce que l’on appelle un “composé aromatique” global. Et là, la véritable question est de déceler quel sera le mariage parfait de plusieurs notes entre elles. Le mariage parfait qui respectera l’identité de l’inspiration du départ. Par ailleurs, il faut savoir dans ces étapes, écarter, la notion, de son goût personnel. On ne crée pas un thé pour soi, mais pour qu’il renvoie à chacun une suggestion d’une sensation voulue, connue, désirée.
Crédit photo : Guillaume Leleu
#4 – Vérifier l’harmonie de notre thé
Une fois ces étapes franchies, reste le moment de l’harmonie. Cette création a-t-elle sa place ? N’est-elle pas redondante avec une autre ? Est-elle d’actualité ? Va-t-elle plaire ? Et un certain nombre de créations, malgré le labeur qu’elles ont demandé, passent “à la trappe” à ce moment là.
En combien de temps en moyenne créez-vous un thé ? Combien de tests vous faut-il en général pour arriver au thé final qui crée l’évidence ?
C’est strictement impossible de répondre à cette question, avec sincérité. Il n’existe pas de moyenne et je ne pose aucune limite à la réalisation d’un thé, ni en terme de moyens (comme financiers) qu’en terme de temps, de tests. Une création est prête quand elle parait évidente, quand elle existe par elle-même et qu’il est temps que vous vous effaciez, au grand dam du commerce qui, lui, réclame des nouveautés en permanence !
Combien de thés créez-vous par an ?
Cela varie, selon les années. J’ai créé 4 thés en 2012, 15 en 2011, aucun en 2010, 6 en 2009.
La meilleure réponse se trouvent dans les mots de ma fille qui dit à qui veut l’entendre que j’ai mes périodes “ma période “rooOose”, ma période “bleueee” ou même ma période “verrrrte” où je vois tout en vert… Cela traduit assez bien cette réalité de l’émotion nécessaire, de ces périodes de disponibilité qui se prêtent ou non à la création d’un thé.
Crédit photo : Guillaume Leleu
Y a-t-il un process de fabrication spécifique chez THEODOR ?
Très clairement et assez unique en soi. Tout est fait pour offrir un thé, dont la seule chose que nous saurions être sûr à 100% les yeux fermés, est la qualité. De ce fait, tant pour l’achat que pour l’aromatisation d’un thé, tout est produit à la demande, ce qui est la meilleure garantie de fraîcheur que l’on puisse offrir. Ensuite, je ne vais pas vous dévoiler tous les petits secrets de la maison, mais ce que je peux vous dire, c’est que nous avons privilégié largement la place de l’humain, plus que celle de la machine…
Crédit photo : Envouthé
Quelle qualité de thé et d’arômes utilisez-vous pour vos thés parfumés ?
Nous privilégions toujours dans l’ordre, tout d’abord, l’utilisation d’huiles essentielles ou bien alors d’arômes 100% naturels et puis bien entendu des fleurs, morceaux de fruits, épices etc… À savoir que nous n’utilisons jamais d’arômes artificiels et que du fait de la certification Kosher de nos thés, nos arômes sont obligatoirement Kosher. Qu’est-ce que cela veut dire ? Que les alcools utilisés qui composent les arômes ne contiennent jamais d’alcools issus d’origine animale, etc…
En 2 mots, nous ne mélangeons que de la nature avec de la nature.
Crédit photo : Envouthé
On trouve chez plusieurs Maisons de thé, des thés parfumés composés sensiblement des mêmes mélanges d’arômes, qu’est-ce qui, selon vous, fait qu’un thé est plus réussi qu’un autre ?
Avant tout, le choix du ou des thés qui vont composer la base de la création, sans compter bien entendu ce qui sera utilisé pour aromatiser le thé.
Je le déplore d’ailleurs beaucoup, mais les thés parfumés, je devrais dire aromatisés, sont bien trop souvent (pour ne pas dire toujours) négligés par les maisons de thés, d’où leurs piètres réputations. Cela vient du fait qu’ils ne sont pas considérés comme “légitimes” pour tout amateur de thé “digne de ce nom”. À tort ou à raison.
Personnellement j’aime autant croquer dans une feuille de laitue encore fraiche, que manger une salade de laitue assaisonnée ! Je ne distingue aucune différence de “noblesse” là dedans.
On oppose souvent dans le monde du thé les thés parfumés et les thés nature (dits d’origine) : votre avis sur cette “opposition” ?
Il n’y a pas de polémique à avoir. Je respecte chaque opinion tant qu’elle ne devient pas un dictat en soi qui s’impose à l’autre.
Finalement la réponse se trouve dans ce que symbolise le thé lui-même et que l’on retrouve dans tous les écrits sur le thé aussi loin qu’ils remontent. Le thé est une boisson de l’accueil, de respect de l’autre, une invitation à un moment pour soi où à partager, un ambassadeur de la différence, et rien d’autre qu’un peu d’eau, quelques feuilles et une pause.
Alors à mon humble avis, que l’on aime un thé parfumé ou un thé nature, l’important c’est d’aimer, pour soi…, le reste n’est que complexe.
Pour conclure, voulez-vous nous raconter une anecdote sur la création d’un de vos thés ?
Le problème est qu’il y en a une sur chacun des thés. Alors, à moins d’écrire un livre, je ne peux décemment pas me plier à cet exercice là, ici
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